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Marie-ChristineInvité
Discussion du samedi 24 février 2024. “La liberté est-elle toujours accompagnée d’une forme de solitude ?”
Plusieurs questions se posent. Se sentir seul, est-ce la même chose qu’être seul ? La solitude est-elle le prix à payer pour être libre ? De quelle liberté s’agit-il ? Liberté de penser ? Liberté d’agir ? S’agit-il de s’émanciper et de quoi s’émanciper. ? Est-ce une liberté totale, est-on libre de faire tout ce que nous voulons ? Être libre est ce que cela veut dire être dans la toute-puissance et avoir tous les droits ? De quelle forme de liberté parlons-nous ? On pense à l’adage “La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres” selon John Stuart Mill. Qu’en est-il ?
En effet, on peut remarquer que nous sommes entourés de groupes de personnes, familles, collègues de travail, ou groupes d’amis, d’une société en général, d’un cadre fini. La liberté est-elle à comprendre comme la liberté de “l’électron libre”, en lien avec les autres, mais restant indépendant malgré les liens qui peuvent se tisser éventuellement faisant de cette liberté une liberté au sens positif ? Elle ne signifierait pas toute-puissance puisque nous avons des droits mais aussi des devoirs. Elle serait plutôt la possibilité de se diriger soi-même et éventuellement de diriger les autres. La liberté s’arrache. C’est le résultat d’un combat qui n’a rien à voir avec la gentillesse.
Dans le cas de l’électron libre on s’affranchit de ses liens avec les autres, on fait un choix conscient. Les autres s’apparentent alors à des contraintes pour nous, la liberté apparaissant comme absence de contraintes. Mais peut-on réellement s’affranchir de notre besoin de reconnaissance par autrui, peut-on s’émanciper de son regard ? Sartre dans “L’existentialisme est un humanisme” mettra l’accent sur la liberté intrinsèque de l’homme, en disant que l’homme est condamné à être libre, ainsi que sur sa responsabilité vis à vis d’autrui et de l’impossibilité justement d’échapper à son regard.
Sur une île déserte, loin de la société et des autres, est-on libre ? Entièrement libre ? Peut-être pas, car nous devons manger, survivre, vivre, nous dépendons donc toujours de quelque chose d’autre, de la nature ici, par exemple. La liberté n’est donc jamais totale. Elle est toujours parasitée par quelque chose. D’autant que depuis la naissance, nous sommes soumis à une éducation avec ses valeurs, et la liberté est l’une de ces valeurs, à une société régie par des institutions, nous sommes soumis à des déterminismes. Spinoza, d’ailleurs dira que la supposée liberté de volonté est imaginaire, dans la mesure où l’homme ne connaît pas les causes qui le déterminent. La liberté serait donc une illusion ? Suffirait-il alors d’être seul pour être libre, même si l’empreinte des autres se retrouve toujours en nous ? C’est la question de l’ermite. Se sent-il libre ? Libre de quoi au juste l’ermite ? En tout cas, chaque prise de décision se fera bien dans la solitude pour l’ermite qui sera le seul à faire le choix de ses contraintes ? Il est libre au sens de Rousseau puisque pour lui, liberté est obéissance à la loi qu’on s’est prescrite. Cependant, l’homme étant un animal social, il n’est absolument pas dans sa nature d’être seul et s’il quitte un groupe, c’est pour rejoindre un autre groupe, probablement un groupe de personnes qui pensent comme lui.
La création artistique pourrait être un moyen non seulement d’exprimer sa personnalité ou son identité, mais également de s’extraire des contraintes multiples vécues dans la société. Est-ce à dire que le peintre ou l’écrivain, par exemple, est seul dans l’exercice de la création ?
L’éducation pourrait permettre aussi de concevoir une société plus sécure, moins violente avec des citoyens qui se sentent plus libres grâce à des outils intellectuels pour penser leur vie. La violence apparaît alors comme une conséquence d’une forme de privation de liberté. Comme un autre chemin suivi pour acquérir de la liberté. La cause de cette violence étant une grande frustration. Une réponse à la violence est la privation de liberté et l’isolement.
Si une personne appartient maintenant à un petit groupe et si le groupe la respecte et si on respecte ses choix, la personne en question peut se sentir entièrement libre, intérieurement, et son émancipation peut être complètement comprise. Une difficulté apparait cependant dans la mesure où le groupe agit par influence automatiquement sur les émotions de chacun, entre en action alors notre raison. Dans un groupe, il faut donc se positionner suffisamment fermement pour apparaître comme une exception. Pour cela, il faut se montrer suffisamment opaque pour ne pas se laisser influencer par les opinions des autres ou le groupe tout entier. Il faut donc être tranquille avec ce que l’on est et utiliser sa raison et son esprit critique pour se libérer de l’emprise du groupe. Peut-on dire dans ce cas que notre liberté est corrélée à notre solitude ? En tout cas ici nous nous affirmons comme une exception. Le côté individuel de notre pensée et de nos actions est mis en évidence. Et une forme de solitude devient implicite. La liberté est corrélée à la notion de solitude ici mais pas négativement simplement sous forme d’autonomie, d’émancipation de l’opinion générale.
Justement, la corrélation entre liberté et solitude n’est-elle pas un faux problème est-elle une mystification sociale ? Peut-être que la corrélation liberté-solitude ne se serait pas posée il y a quelques années. Dans le taylorisme, et au XXI ème siècle, chaque individu supporte de fortes contraintes dans le cadre de son travail notamment. Et l’individualisme apparaît alors dans le schéma taylorien comme une liberté ou comme une soupape de liberté.
Dans le cas des migrants qui quittent leur village, leur culture, leur famille pour fuir la persécution dans leur pays, le manque de liberté et la misère, la liberté se paye très cher car ils sont bien seuls en France, pour les 3/4 d’entre eux.Compléments et extraits en lien avec le thème de la liberté.
La philosophie de A à Z. Sous la direction de Laurence Hansen- Love.
Liberté : la liberté, si difficile à définir, constitue pourtant pour chacun d’entre nous une expérience, ou tout au moins une représentation aussi familière qu‘indiscutable.
Liberté et contrainte : être libre, cela signifie tout d’abord ne pas être empêché de faire ce que l’on veut. Sortir de chez soi ou quitter son pays par exemple, ou encore dire sans crainte ce que l’on pense. Par suite, la liberté est conçue habituellement comme absence de toute contrainte étrangère. Ce sens usuel du mot liberté (du latin liber), rejoint du reste son sens originel. Aux sources de notre civilisation, la liberté est la libre condition de l’homme qui n’est pas esclave, (servus ou prisonnier). Par opposition à l’esclave traité comme un outil inanimé privé de droits, le maître ou le citoyen dispose librement de sa personne et participe activement à la vie de la cité. Ainsi, la liberté fut d’abord un statut, c’est-à-dire une condition sociale et politique garantie par un ensemble de droits et de devoirs, avant d’être conçue par les philosophes et les théologiens comme une caractéristique individuelle, purement psychologique et morale. Car, comme l’a bien montré Hannah Arendt, sans une vie publique politiquement garantie, la liberté, sous quelque forme qu’on l’envisage, ne peut avoir aucune “réalité mondaine” (La Crise de la culture).
Libertés négatives, libertés positives :
Le philosophe américain Isaiah Berlin, oppose la liberté négative, c’est-à-dire la liberté de s’exprimer sans censure par exemple, à la liberté positive, qui est le pouvoir de prendre part aux décisions publiques et d’exercer l’autorité en général. Bien entendu, ces 2 aspects de la liberté devraient toujours coïncider. Celui qui exerce le pouvoir ne peut vouloir se nuire à lui-même. Pourtant, l’histoire nous a appris qu’un peuple peut se gouverner lui-même avec brutalité et déraison et que par conséquent, la liberté négative (ne pas être entravée par autrui dans ce que nous souhaitons faire) est peut-être la liberté par excellence, la liberté tout court. Tel fut le point de vue de Raymond Aron, pour qui la seule liberté fondamentale est celle de “ne pas être empêché de”. Les autres libertés sont en fait des droits-capacités ou des droits-créances, le droit à un emploi, le droit à l’éducation par exemple, que l’on peut et que l’on doit exiger, mais dont on ne peut s’attendre à ce que l’État les garantisse effectivement (Essai sur les libertés).
Terme voisin : autonomie, spontanéité.
Termes opposés : aliénation, dépendance, esclavage, servitude.Marie-Christine
SahadeInvitéMerci Marie-Christine
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